Une étape vient d’être franchie pour Evan Gershkovich, le premier journaliste occidental à avoir été mis derrière les barreaux dans l’histoire de la Russie moderne. Le reporter du quotidien économique Wall Street Journal avait été arrêté le 30 mars 2023 par le FSB, puis transféré à la prison de Lefortovo à Moscou. Les accusations contre le reporter de 32 ans sont vigoureusement contestées par sa famille, son journal et Washington.
Evan Gershkovich sera jugé là où il a été arrêté : à Ekaterinbourg, dans l’Oural. La date de son procès n’a pas été fixée, mais cette fois c’est officiel : le parquet russe accuse le journaliste américain d’avoir collecté des informations secrètes sur une usine de chars pour le compte du renseignement américain. Sa défense dénonce une affaire montée de toutes pièces.
Ouralvagonzavod est une usine emblématique en Russie, un des plus grands fabricants du complexe militaro-industriel. Y sont notamment produits : des tanks T 90 qui sont très utilisés sur le champ de bataille en Ukraine, mais aussi le tank de nouvelle génération Armata, ainsi que des wagons de marchandises.
L’accusation contre le correspondant du quotidien économique Wall Street Journal en prison n’a pas été étayée publiquement. Toute la procédure est de toute façon classée secrète, mais elle est d’une gravité inédite contre un correspondant étranger depuis la fin de l’Union soviétique. Evan Gershkovich risque 20 ans de prison.
Washington et Moscou ont indiqué être en contact pour aboutir à un échange de prisonniers qui permettrait sa libération mais jusqu’ici aucun accord ne semble en vue. La Russie, de son côté, souhaite obtenir le retour sur son sol de Vadim Krassikov, emprisonné à vie en Allemagne pour l’assassinat d’un ancien commandant de la guerre de Tchétchénie à Berlin en 2019.
En mars, l’ambassadrice américaine à Moscou Lynne Tracy avait indiqué qu’Evan Gershkovich « a fait preuve d’une résistance et d’une force remarquables face à cette situation sinistre », appelant Moscou à le libérer sans délai.
Le Wall Street Journal a dénoncé jeudi un « simulacre » de justice « scandaleux » : « Le pas que vient de franchir la Russie pour organiser un simulacre de procès n’est pas surprenant mais très décevant » et « scandaleux », a réagi dans un communiqué la direction du WSJ,qui a dit désormais attendre « du gouvernement américain qu’il redouble d’efforts pour obtenir la libération d’Evan ».
L’ex-marine américain Paul Whelan, emprisonné en Russie depuis 2018, attend lui aussi un échange et rejette les accusations d’espionnage qui lui ont valu une peine de 16 ans de prison.
Une journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva, travaillant pour le média RFE/RL financé par le Congrès américain, a également été arrêtée en octobre 2023. Elle est accusée de diffusion de « fausses informations » sur l’armée russe.
La Russie a aussi placé en détention début juin un ressortissant français, Laurent Vinatier, collaborateur d’une ONG suisse de règlement des conflits. Il a été accusé de ne pas s’être enregistré comme un « agent de l’étranger » et de recueillir des informations sur l’armée russe.