Après une première rumeur autour de sa mort, la mauvaise nouvelle est désormais officielle. Figure incontournable du football africain pendant des décennies, Issa Hayatou est décédé ce jour à l’âge de 77 ans. Ce pur produit du sport, né le 9 août 1946 à Garoua, dans le nord du Cameroun, aura consacré une grande partie de sa vie au foot africain. Président de la Confédération africaine de football pendant près de 30 ans, il personnifia à lui seul la CAF jusqu’en 2017 et sa défaite surprise face au Malgache Ahmad Ahmad.
Son nom avait à ce point fini par se confondre avec la présidence de la Confédération qu’on en oublierait presque qu’il avait eu une autre vie. Et même d’autres vies. Mais toutes le destinaient à jouer un rôle dans le sport, même si ce fils de sultan musulman avait déjà une voie tracée par une riche famille de notables influents. Car pendant que ses aînés gravitaient autour de la politique, devenant secrétaire général de l’Assemblée nationale (Amadou Hayatou) ou secrétaire d’État à la Santé (Garga Alim Hayatou), ou même Premier ministre (Sadou Hayatou), le jeune Issa choisissait sa propre voie. Ce sera sa passion, son métier, sa vie.
Il commence par tâter l’athlétisme et devient champion du Cameroun sur 400 et 800 mètres, participant même aux tout premiers Jeux africains de l’histoire à Brazzaville en 1965. Parallèlement, il est membre de l’équipe nationale camerounaise de basket-ball et international universitaire de football en 1964 et 1971. Ce boulimique de sport deviendra professeur d’éducation physique et sportive à Yaoundé, mais n’exercera ce métier qu’une seule année. En 1974, il devient en effet secrétaire général de la Fédération camerounaise de football. Commence alors une ascension vers les sommets du football camerounais, puisqu’il est d’abord nommé en 1982 directeur des sports au ministère de la Jeunesse et des Sports. Ensuite, il devient en 1984 vice-président de la Fédération camerounaise de football, et finit président de la Fecafoot deux ans plus tard, en même temps qu’il est membre du comité exécutif de la Confédération africaine de football.
« Dictateur africain »
Influent à la « fédé » camerounaise, il devient en 1985 le découvreur du « sorcier blanc », l’entraineur français Claude Leroy, qui remporte la CAN 1988 avec les Lions indomptables. Entre-temps, Issa Hayatou devient en août 1987 le cinquième président de la CAF en remplaçant l’Éthiopien Ydnekatchew Tessema, décédé. Commence alors son très long règne, durant lequel le Camerounais est très souvent assimilé à un « dictateur africain » pour son goût pour le pouvoir et sa faculté à écarter ou à museler ses ennemis. « Dès le départ, Issa Hayatou a été imprégné par la culture de la domination, lâche un jour l’ancien gardien de but des Indomptables Joseph Antoine Bell dans L’Équipe. Il faut savoir qu’il a des esclaves à Garoua, oui, je dis bien des esclaves. Il y a là-bas un mépris total des gouvernés. Comment, dans ces conditions, prendre des décisions justes ? »
Des décisions surprenantes et/ou impopulaires, Hayatou en a pris. Comme lors de la CAN 2010, quand il refuse de décaler les matches de l’équipe du Togo, victime d’une fusillade ayant fait deux morts à la veille de la compétition. Les Éperviers quitteront la CAN angolaise et Hayatou, par la voie de la CAF, leur infligera quatre années de suspension.
On est avec lui, ou contre lui. L’Ivoirien Didier Drogba, quasiment déclaré Ballon d’or africain en 2007, ne peut alors pas faire le déplacement pour la cérémonie de remise, et le trophée revient au Malien Frédéric Kanouté. Jacques Anouma, un de ses fidèles, veut se présenter contre lui pour la présidence de la CAF ? Il fait voter une motion qui permet d’écarter le président de la Fédération ivoirienne de football. On prête à Mohamed Raouraoua, le président de la Fédération algérienne, des ambitions présidentielles ; l’Algérie n’est pas choisie pour accueillir la CAN 2017, qui revient au Gabon, pourtant co-organisateur cinq ans auparavant.